Naufrage du cinq-mâts barque France

Dossier destiné à être soumis à la commission supérieure des naufrages

Naufrages du cinq-mâts France, survenu dans les eaux de la Nouvelle-Calédonie le 12 juillet 1922.

Rapport de la commission locale d'enquête du quartier de Rouen, composé de Messieurs Lerond, officier d'administration de 1^ere Administration de quartier p.i.

La Vissière, inspecteur de la Navigation maritime.

EXPOSE :

Le mardi 4 juillet 1922, le cinq-mâts France quittant Thio à destination de Pouembout, lesté de 1 100 tonnes de scories et galets et ses ballasts rempli d'eau à la remorque du petit vapeur Tayo. Un pilote des côtes de la Nouvelle-Calédonie était à bord. Le 5 juillet, à 7 H 45, par suite du mauvais temps, le Tayo étant impuissant à le remorque, le navire fut obligé de larguer les remorques et de faire voiles.

Après quelques bordées dans le Sud-Est de Walpool, il se trouvait le 8 juillet, à 7 heures, par le travers du récif Sud, se dirigeant vers Pouembout devant lequel il se présentait le 9 juillet dans la matinée. Le remorqueur Tayo ne le vit pas et les vents tournant vers le Nord, la France dut reprendre le large ; le 11, vers 20 h 30, la position estimée du navire était de 166° 32' Est et 23°33' Sud et le capitaine fit route au Nord 22 Ouest vrai, en recommandant de défier tribord.

Le 12 juillet, à 20 h30, le capitaine ordonna le virement de bord pour courir une bordée au large jusque vers 4 heures du matin en attendant le Tayo, il estimait se trouver alors à une distance minimum de 12 milles de tout rocher. La manœuvre du virement de bord était commencée quand le pilote, dans une éclaircie, aperçut les récifs par bâbord et tribord ; elle fut activée et le navire évoluant longeait les brisants, les phares de l'arrière déjà brassés, quand une forte lame le prit par le travers bâbord et le jeta sur le récif.

Le lieu de l'échouement est situé sur une avancée du récif s'étendant entre les passes de Mara et de Maraï, à 2 milles environ dans l'Est Sud Est de cette première. Tout l'équipage fut sauvé et il n'y a aucun accident de personnes.

Au dire des experts, il ne serait pas impossible, en disposant de moyens suffisants, de sauver le navire, et la presse a fait connaître que cette opération serait tentée.

DISCUSSION :

Les dépositions reçues à Nouméa, aussitôt après l'événement par le chef du service de la police et de la Navigation en Nouvelle-Calédonie permettent d'apprécier les circonstances dans lesquelles le naufrage s'est produit sans qu'il soit besoin de poser de nouvelles questions au capitaine et à l'équipage du voilier France.

Il se peut qu'un changement, d'ailleurs constaté, dans la variation, ait pu influencer la route, mais elle ne pouvait qu'accentuer le vers l'Ouest sa direction et, par suite, éloigner le navire de la côte. C'est plutôt la marée et au courant qui en était le résultat qu'il faut attribuer la dérive vers l'Est. D'autre part, la grosse mer empêchait d'apprécier, exactement cette dérive, et le temps bouché n'avait pas permis de faire les observations nécessaires, soit par la terre, soit avec les instruments nautiques. Les jours précédents, le capitaine avait sagement déterminé des limites d'incertitude aux points estimés marqués sur la carte, et, le jour du naufrage, à midi, sa bande d'incertitude s'étendait à 4 milles à l'Est et à 8 milles à l'Ouest du point marqué.

Grâce au sang-froid du capitaine et des officiers les rations de sauvetage ont été bien conduite et une partie de l'armement a pu être sauvé.

CONCLUSION :

Il résulte des diverses dépositions et de l'enquête faite sur place, que ce naufrage ne peut être attribuer qu'à des conditions indépendantes de la valeur du capitaine lequel veillait, avec un soin particulier, la route du navire. La question d'incurie ou de défaut de vigilance du capitaine paraît devoir être écartée et sa responsabilité mis hors de cause dans cet événement considéré comme fortune de mer.